Le futur du Palais

La Chambre de Commerce ne faisait pas mystère de son désir de quitter le Palais des Consuls historique.
Cela faisait un bout de temps que les politiques avançaient dans leur projet de vider l'institution de sa substance. Sous la pression d'entrepreneur, l'idée était de limiter la pression fiscale. Comme l'Etat ne voulait pas diminuer ses prélèvements sur les entreprise, il était tentant de s'en prendre aux institutions consulaires, opportunément accusées de tous les maux.
On entendait souvent dire que l'institution devait se recentrer sur sa raisons d'être historique : la représentation du Commerce et de l'Industrie. Les autres fonctions que les Chambres avaient peu à peu assumées, surtout en raison de la carence des entreprises privées, devaient revenir à ces entreprises.
La manoeuvre passa par la fusion forcée des institutions (7, rien que dans le département de la Seine-Maritime !) par la privatisation d'activités (dès 1965, les ports étaient devenus autonomes) par des ponctions sur les trésoreries.
Anticipant sur cette évolution, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Rouen commença par vendre une partie du patrimoine. C'est ainsi que le mobilier historique fut mis en vente en 2015.
La logique voulait que les locaux eux-mêmes soient cédés.
En février 2017, l'annonce a été faite du changement de nom de la Chambre de Commerce, qui devient "Chambre de Commerce et d'Industrie Rouen Métropole".
Dans la foulée le président a annoncé le déménagement de l'institution dans l'immeuble Vauban du quartier Luciline à échéance juillet 2018. Ce nouveau "Palais" doit être racheté à la MATMUT pour une somme de près de 19 millions d'Euros financée par  la vente du Palais historiques (9,3 millions) et un emprunt pour le solde. La surface des locaux doit être identique à celle de l'actuel Palais des Consuls (de l'ordre de 10.000 m2).  Les responsables attendent une meilleure ergonomie et la possibilité de mettre en place un guichet unique pour les entrepreneurs.
Le Palais fut donc proposé à la vente.
Mais qu'en faire ? cette construction emblématique des années cinquante du siècle dernier n'était pas prédisposées pour une autre utilisation.
Le 9 février 2017, la nouvelle tombait : l'appel d'offre a été remporté par un promoteur indépendant, la holding Altitude par l'intermédiaire de Cap Horn Promotion. L'acheteur final n'est pas connu. Nous savons seulement qu'après d'importants travaux prévus entre 2019 et 2021, il devrait abriter "un des leaders mondiaux dans le secteur de l'hôtellerie". Pour assurer la faisabilité financière de l'opération, il est aussi prévu d'accueillir des logements de standing.
Le promoteur a choisi le cabinet d'architecture local ATAUB, associé à ECO 80. La presse a présenté une première image de ce que cela devrait donner.

Les indications disponibles dans la presse indique qu'il devrait y avoir deux étages de parkings, 300 places, une densification considérable du site qui devrait compter une surface utile de 19.000 m2. Il est prévu de construire sur les jardins derrière le bâtiment de façade, de remplacer l'actuel Tribunal de Commerce. Il devrait y avoir un jardin central paysagé au milieu.
Tout l'intérieur doit être démoli. Les deux premiers étages du bâtiment principal seront découpés chacun en deux étages, un étage supplémentaire ajouté au-dessus de l'ensemble.
Les façades actuelles sur le quai et les rues latérales devraient être conservées.
La question des décorations intérieures reste en suspens. Selon certaines informations, les sculptures pourraient être découpées et réinstallées dans d'autres lieux (on parle de l'immeuble de la Métropole) Rien n'indique qu'il pourrait en être de même de la fameuse rampe de l'escalier d'honneur. Aucune information non plus sur le fronton XVIIIe siècle du Palais des Consuls de l'architecte Blondel, actuellement dans le jardin.

 

Ce n'est pas sans nostalgie que l'on voit ainsi disparaître un élément majeur de l'histoire de notre ville. Après la deuxième guerre mondiale, les Consuls avaient voulus rester dans la continuité en reconstruisant au même endroit.
Depuis 1954, c'était un outils de développement économique incomparable. C'était aussi une sorte d'ambassade où sont passés des gens de tous pays, de tous continents. C'était aussi quelque fois un lieu de culture (l'Académie y a tenu quelques-unes de ses séances)
Les seuls arguments avancés sont administratifs et surtout économiques. Il est frappant de voir que l'histoire est totalement oubliée (comme d'habitude ...) Sur le site Internet de la Chambre de Commerce, le modeste développement historique qui avait été développé au début des années 2000 a mystérieusement disparu. Mauvais conscience ou inculture ?

 

© Copyright Jacques Tanguy , 2017