La reconstruction du Palais

Quelques semaines après la destruction du Palais des Consuls, les membres de l'institutions se réunirent rue du Donjon et décidèrent que le Palais serait reconstruit en lieu et place de l'ancien.
Une plaque apposée dans la salle des séances du nouveau Palais rappelle cette décision importante car elle manifestait la volonté des élus de s'inscrire dans une longue histoire.


Inscription dans la salle des séances du Palais

Un permis de construire fut obtenu le 21 octobre 1950. Il permit de commencer les études pour la construction.
Plusieurs projets avaient été étudiés par l'architecte Pierre Chirol, puis par une équipe chargée de l'assister. Elle comportait François Herr, architecte en chef adjoint de la reconstruction de Rouen, Roger Pruvost et Robert Flavigny.
Le projet initial proposait un plan carré, autour d'une cours centrale comme l'ancien Palais. Tout en conservant la même surface, on évolua vers un plan en forme de lettre "L" puis en "H" pour séparer les fonctions Chambre de Commerce, bureau de Poste et Bourse (vers la Seine) et Tribunal de Commerce (côté opposé). Entre les deux, un jardin et un immeuble de liaisons contenant au rez-de-jardin une grande salle de conférences et, au-dessus, une bibliothèque et des appartements (qui seront ensuite transformés en bureaux)
Une maquette fut réalisée pour visualiser le projet. Elle était encore dans une cave du Palais il y a quelques années. Nous avions proposé sa restauration en 2003 à l'occasion du troisième centenaire. la direction n'a pas voulu !

Le projet devenu définitif, il fallait le mettre en application.
La première opération consistait a établir les fondations. Proche de la Seine, le terrain était composé d'une couches d'alluvions peu stables. Les anciennes fondations étaient hétérogènes et comportaient aussi bien des pilotis en bois (sous la partie XVIIIe siècle), un radier de béton (sous la partie en façade du XIXe siècle) et des pieux (sur la partie arrière) de plus, on pouvait s'attendre à rencontrer des vestiges de l'ancienne église des Cordeliers.
On décida d'implanter 334 pieux de béton quadrangulaires de 40 cm de section et de 18 m de long (pour atteindre la couche de marne bien stable), reliés par des poutres en béton horizontales. Les travaux s'étendirent de juin à décembre 1851.
La pose de la première pierre s'est déroulée le 19 juin 1952.


Pose de la première pierre

Les entreprises adjudicataires furent Chouard et Morineau  pour le gros œuvre, et Lanfry pour les façades.

L'ossature de béton

Les façades terminées

Dès le 14 juillet 1954, les services administratifs purent prendre possession de leurs bureaux. Quelques semaines plus tard, le Tribunal s'installait dans ses locaux.
 

Un décor somptueux

Le grand escalier

L'escalier d'honneur mène du grand hall d'accueil aux étages de réception, à la salle de conférence et à la bibliothèque, centre de documentation. la rampe est particulièrement intéressante. Elle est due au maître Raymond Subes (1891-1970) l'un des plus grands décorateurs de l'époque. Il avait ainsi réalisé les rampes et les balustrades du paquebot Ile-de-France (1926), puis des paquebots Lafayette (1930) et Normandie (1935) A Rouen, on lui doit les grilles de la Grande Pharmacie du Centre (place de la cathédrale) ainsi que le mobilier de la Cathédrale.

Les sculptures du grand escalier

 
Les sculptures qui ornent le mur nord de l'escalier sont de Maurice de Bus (1907-1963) Il avait eu la grand prix de Rome en 1937. Il a produit de nombreuses médailles pour la Monnaie de Paris.
Il a voulu représenter ici les différentes activités soutenues par la Chambre de Commerce.

Le panneau supérieur représente les Arts : un peintre est encadré par des danseuses, un architecte regarde la maquette du Palais et une musicienne.
Le panneau de gauche symbolise les activités du Port de Rouen : navires, dockers, grues en forment le paysage.
Le panneau de droite est consacré aux industries : Pétrole, chimie, textile.

Le panneau supérieur une femme représente la "Chambre de Commerce" entre le Commerce et l'Industrie.
Le panneau de gauche est la figuration de l'interconnexion de la Métropole et de l'Outremer. Dans un paysage typique de l'Afrique du Nord, des indigènes apportent leurs richesses.
Le panneau de droite montre les richesses monumentales de la ville et  les maîtres d'oeuvre : Le Président Lemarchand et G. Lanfry
 
A l'entrée de la Bibliothèque, un cartouche évoque l'ancien palais, sa destruction et sa reconstruction. Il aurait dû être en bronze. Nous n'en avons que le modèle en plâtre peint.

Le grand salon

Ce vaste salon de 20 m sur 14 m est situé juste en face de l'escalier d'honneur Il communique avec la grande galerie par une grande surface vitrée. Sa hauteur est imposante Près de six mètres. Ce salon est destiné aux grandes réceptions. Il avait été décoré par un ensemble de deux salons d'époque empire qui n'étaient pas en harmonie avec le style du bâtiment. Toutefois, ils manifestaient la volonté des consuls de l'époque de restaurer la magnificence passée de l'institution.
Le salon est éclairé par un ensemble de lustres en cristal de Venise. Il s'ouvre vers la Seine par cinq grandes baies vitrées.
Il donne accès au bureau d'apparat du Président et à la salle des séances.
Sur toute la longueur du plafond et sur les murs de refend ouest et est, court une frise sculptée par l'artiste Sylva Bernt (1910-1995). Elle représente l'épopée des vikings : l'abattage des arbre, la construction des bateaux, la navigation à la voile et à la rame.

Le bureau d'apparat du Président

A l'est, se trouve un bureau d'apparat destiné à l'accueil des personnalités en visite. Ce bureau avait été doté d'un mobilier particulièrement remarquable du à André Arbus (1903-1969). La pièce la plus importante était une table de 4 m de long supportant une paire de lampes du même artiste. Elle est accompagnée de fauteuils de style néo-directoire.
Une cheminée en noir de Belgique et encadrée de laque noire et or aux attributs maritimes.
Au-dessus de la porte un bas relief en staff reproduit la célèbre vue de Rouen en 1525 due à Jacques Le Lieur.

La salle des séances

La Chambre de Commerce est dirigée par un compagnie d'élus des entreprises (les "Consuls") et par un bureau qui en est l'émanation. Les élus tiennent leurs séances dans un salle située à l'ouest du grand salon.
Un hémicycle de tables reçoit les membres, les associés et un certains nombres d'invités. Sur une tribune siègent le Préfet (membre de droit) et le bureau.
Derrière le bureau, une toile du peintre Léon Toublanc (1900-1990), professeur à l'école des Beaux-Arts.

Au centre, une femme en robe noire représente la Chambre de Commerce. Devant elle, une femme est la ville de Rouen. Au-dessus, un mercure symbolise de Commerce. A droite, est figurée l'agriculture et en arrière plan, le paysage de la Seine, à la fois industriel, maritime et monumental.
De la verdure et des oiseaux illustrent la nature bien présente autour de la ville, à la fois protégée et menacée.

Les salles des commissions

Plus vers l'ouest, deux salles de commissions étalent aussi un riche décor et un opulent mobilier.
La première avait même un grand tableau peint par Robert Savary (1820-2000) dont plusieurs oeuvres ornent des monuments de Rouen (Halle aux Toiles, Gare) Il représentait les représentants de l'Union Française apportant à la ville de Rouen les produits de leurs pays respectifs. un vieil arabe remet une colombe à la ville qui lui donne en retour une branche de laurier.
Nous sommes au début de la Guerre d'Algérie et l'indépendance de ce pays est loin d'être acceptée.
Du fait de son caractère non "politiquement correct", le tableau sera quelques années plus tard recouvert par un miroir. Il est toujours là, caché aux regards !

La seconde salle de commission est aussi ornée d'une cheminée et surtout d'une importante peinture de Pierre Oliver.
Il est consacré à Saint-Romain, le saint patron de la ville de Rouen.
Au centre est représentée la Fierte, monument emblématique lié à la libération du prisonnier. Le saint et la garguille sont en haut à gauche. La libération du prisonnier en haut à droite. La procession des reliques du saint est juste en dessous du monument.
A gauche, sont les tonneaux de vin, activité du port. A droite le roi Charles V confirme le privilège.
Toute la partie inférieure illustre la traditionnelle foire Saint-Romain.
 

La salle de conférences

Une salle de conférence de 200 places occupe l'étage inférieur du bâtiment de transition.
Elle est dotée d'une scène équipée d'une écran de projection rétractable, d'une loge d'artistes et d'une cabine de projection équipée.
La salle sert aux besoins de l'institution, mais aussi elle peut être louée pour des manifestations extérieures.
Elle a été modernisée il y quelques années.

 

L'abri antiatomique

Les années cinquante sont des périodes de grande tension internationale. L'URSS (la Chine ne va pas tarder à la faire) s'est dotée de l'arme nucléaire. La peur du conflit est tel que les plan du nouveau Palais des Consuls comportent en sous-sol un abri destiné à recevoir quelques dizaines de personnes. cet abri ne sera jamais terminé. Les portes, la ventilation et le mobilier ne seront pas installés. L'abri a servi longtemps de dépôt pour les objets inutilisés (par exemple, la maquette de Palais qui figure sur la photo ci-dessous)
il comporte quatre pièces à peu près identiques. L'entrée se faisait par une galerie technique reliant les deux immeubles principaux. Une sortie de secours existe vers le Tribunal de Commerce. les murs ont plus d'un mètre d'épaisseur et la dalle qui le surmonte en compte deux.

© Copyright Jacques Tanguy , 2017