Monastère des Augustins

Le roi Philippe IV le Bel avait donné à la communauté une maison à Bihorel. Trop éloignés de la ville, ils demandèrent au roi une maison intra muros. Le roi leur donna vers 1310 celle des frères béguins ou moines “sachets” (frères “au sac” ou “du sac”) ainsi qualifiés en raison de la forme spécifique de leur robe bleue qui n’était qu’une sorte de sac. Ils rebâtirent l’église mais une mitoyenneté gênante les obligea, à n’ouvrir des fenêtres que vers le midi.
Le couvent et l’église des Augustins avaient été ravagés par les protestants en 1562.

L’entente ne fut pas parfaite avec la paroisse de St-Maclou sur le territoire de laquelle il se trouvait. Entre1653 et 1683, Louis du Four, demanda à l’autorité diocésaine que “défense soit faite aux Augustins de sonner les cloches et de célébrer leurs services aux mêmes heures que ceux de la paroisse”.
Parmi les augustins rouennais célèbres, on doit citer Nicolas Bourgeois qui améliora le fameux Pont de Bateaux de la ville et qui, en 1711, dressa les plans du dôme en plomb, surmontant la tour du Gros-Horloge. Il travailla également aux fontaines de Rouen et construisit à Paris un pont tournant reliant les Tuileries à l’ancienne place Louis XV.
A la fin de l’ancien régime, en 1775, la situation financière des Augustin était loin d’être brillante. Ils s’étaient résolu à louer une partie de leurs nouveaux locaux à l’armée pour y établir la Manutention ou Régie des Vivres.
Les bâtiments du monastère formaient un quadrilatère au milieu de l’îlot formé par les rues Malpalu, des Avirons, des Crottes et des Augustins. Au centre se trouvait un cloître qui s’appuyait sur l’église, au nord. Il s’ouvrait vers l’est sur un grand bâtiment qui devait contenir la salle capitulaire. Le bâtiment sud longeait la rue des Augustins. C’est de ce côté que se trouvait l’entrée principale et une fontaine monumentale.
Au XVIIIe siècle, les Augustins bâtirent de nouveaux locaux. Le Premier président du parlement, de Montholon, avait inauguré le chantier le 24 août 1775. Les dépendances du couvent étaient à peine achevées lorsque éclata la Révolution en 1789.

L’église des Augustins n’avait qu’une seule nef de dix travées terminés par deux pignons effilés. De par ses dimensions intérieures (46 mètres de longueur pour 11 mètres de largeur), l’édifice était somptueux. Le pignon oriental était percé d’une immense baie en tiers point. Le pignon occidental était percé d’un portail surmonté d’une grande fenêtre.
Quelques fenestrages de l’église procuraient une lumière diffuse sous la large voûte de bois et possédaient des carrés à réseaux gothiques, d’une forme originale et très larges. De tels réseaux si rares dans le dessin existent cependant dans la chapelle du château de St-Germain-en-Laye et l’église St-Martin de Louversey dans l’Eure.
Du XIVe siècle au XVIIe siècle, elle fut remaniée et considérablement agrandie. En 1435, une chapelle put être construite vers le nord et elle put être éclairée par des fenêtres. En 1635, On construisit deux  chapelles au sud, contribuèrent à l’embellissement de l’ensemble, tout en le rendant plus spacieux.

Le clocher faisait saillie vers le nord. La flèche qui le surmontait fut détruite par un ouragan en 1773. Une seconde flèche le remplaça mais fut démolie, en partie, dès 1825.
L’ancien portail de l’église conventuelle fut masqué, vers la fin du XVIIème siècle, par un avant-portail de style classique, à colonnes demeuré inachevé à la Révolution. Il était enserré entre les maisons de la rue Malpalu.
L’église des Augustins fut déclarée Bien National en 1790 et vendue, après la suppression du couvent.
Désaffectée, elle servit de dépendance de la manutention militaire, de chai à vin, et, enfin, de dépôt pour le matériel municipal. Elle fut rachetée par la ville de Rouen en 1924 et aménagée en salle de réunion. Ferdinand de Lesseps même vint y exposer, lors d’une brillante conférence à Rouen, le projet du canal de Panama qu’il envisageait après celui de Suez

Incendiée en juin 1940 et gravement endommagée par les bombardements, il fut décidé de la démolir en 1948. malgré les protestions des Amis des Monuments Rouennais, elle fut alors rayée du classement des Monuments Historiques et totalement rasée à en d’avril 1949.
Devenus une partie de l’emplacement actuel du lieu d’implantation du cinéma Gaumont et d’une rue de la République sensiblement élargie, les lieux ne recèlent plus aucun vestige.
Seuls quelques fenestrages sauvés de la démolition et la fontaine des Augustins ont été remontés dans le square attenant à la porte Guillaume-Lion. Cette dernière a été elle-même déplacée après la dernière guerre avec l’aménagement des quais hauts en bordure de Seine.
Désormais, la rue des Augustins rappelle seulement par son nom le site de l’établissement des religieux.

 
Clergé
En 1770, le clergé se composait de 14 personnes :
12 religieux-prêtres
2 frères.
En 1723, les revenus de la communauté étaient de 3 000 livres.
 
Mobilier

Le calice dit “des Augustins” est une rare pièce de verrerie du XIVe siècle préservées. C’est un “verre à pied”, découvert intact lors des démolitions d’après-guerre, dans une petite cavité murée de la nef. Il existait en Normandie une pratique paraliturgique qui constituait à cacher (ou plutôt “mucher”) un verre de vin nouveau pour ne le sortir (“démucher”), qu’aux fêtes de Pâques suivantes. Les textes parlent de vin aux machons.

 
Tableaux

Des tableaux représentant Le repos pendant la fuite en Egypte de Pierre Letellier et Le Martyre de Saint Adrien de Adrien Sacquespée sont conservés au Musée des Beaux Arts de Rouen. Le premier avait été offert par Antoine de La Mare, conseiller de la Chambre des Comptes de Normandie. Le tableau de Jean Restout II, La Présentation de la Vierge au temple datée de 1735 décorait jadis l’autel principal de l’église.
Un autre tableau d'Adrien Sacquespée est conservé dans l'église abbatiale Saint-Ouen :
Saint Mathurin exorcisant Théodora, fille de l'Empereur romain.

Le repos pendant la fuite en Egypte

Le Martyre de Saint-Adrien Présentation de la Vierge au Temple

Saint Mathurin exorcisant Théodora

 
Vitraux

Un vitrail représentant deux anges, du début du XVIe siècle, le donateur avec sa femme et ses enfants, six petites auréoles en forme d’amande appelées mandorles est conservé au Musée des Antiquités (Galerie Langlois, baie N).

 
Localisation


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Bibliographie
Histoire de la ville de Rouen, F. Farin, 3e ed., 1738, t. VI, p. 242-251.
Abrégé de l'histoire ... de la ville de Rouen, Lecoq de Villeray, 1759, p. 409-410.
Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, J. J. Expilly, Tome VI, 1770, p. 439.
Tableau de Rouen,
Machuel, 1777, p. 172-173.
Description historique des maisons de Rouen,
E. de la Quérière, II, 1841, p. 195.
Notes historiques sur le Musée de peinture de la ville de Rouen, Charles de Beaurepaire, B.C.D.A., 1852-1853, p. 419 et 420.
Répertoire archéologique du départ. de la S.-Inf.,
Abbé Cochet, 1871, col, 380-381.
Notice sur l'église des Augustins, Ch. de Beaurepaire, Bull. CDA, 1894-1895, p. 71-85.
Prochaine mise en vente de l'église des AUgustins,
M. Alline, Bull. AMR, 1922-1923, p. 26 et 1924-1925, p. 13, 18.
Les fenêtres de l'église des Augustins,
F. A. Blanquart, Bull. CDA, 1920-1931, p. 125-126.
Par ci, par là : L'église du couvent des Augustins,
G. Dubosc, Journal de Rouen, 20/7/1924, p.5
Rapport présenté au conseil municipal pour le rachat de l'église des Augustins,
R. Brunon, Bull. CDA, 1924-25, p. 13,18.
Rouen,
C. Enlart, 1928, p. 68-70.
L'église du couvent des Augustins,
Par ci, par là, G. Dubosc, 1932, p.61-72.
Les destructions de juin 1940,
P. Chirol, Bull. AMR, 1939-1945, p. 15.
Chronique monumentale : l'église des Augustins,
G. Lanfry, Bull. AMR, 1939-1945, p. 131-133.
La démolition de la chapelle des Augustins; découverte d'un verre à pied,
R. Flavigny, Bull. AMR, 1945-1950, p.30-31.
La maison des Augustins de Rouen,
G. Lanfry, Bull. AMR, 1945-1950, p. 27-30.
Tableaux français du XVIIe siècle et italiens des XVIIe et XVIIIe siècles
, Pierre Rosenberg, 1966, p. 84 et 114.
La peinture d'inspiration religieuse à Rouen au temps de Pierre Corneille, M. A. Dupuy, 1984, p. 136, 148-149.
La ville évanouie, Rouen,
P. Quéréel, 1999,  p. 36-41.
Rouen, du passé toujours présent... au passé perdu, Y. Pailhés, 2004, p. 128-129.
Rouen aux 100 clochers, F. Lemoine,
J. Tanguy, 2004, P. 122-124.
Les vitraux de Haute-Normandie, M. Callais-Bey, 2005, p.416.
Rouen à la Renaissance, L.-R; Delsalle, 2007, p.400.

© Copyright Jacques Tanguy, février 2013