Couvent des Jacobins

Etablis à Rouen en 1224 par l’archevêque Thibaud d’Amiens, les Jacobins occupèrent d’abord son manoir St-Mathieu sur la rive gauche, au faubourg St-Sever. L’éloignement de la ville où ils exerçaient leur ministère, l’inconfort de lieux menacés par les inondations et les risques de guerre, les amenèrent à demander leur transfert dans la ville.
En 1242, le roi Louis IX (saint Louis) venait de donner l’ordre d’agrandir les murailles de la ville. Il disposait des surfaces qui jouxtaient ces nouvelles murailles. Il fit don aux frères prêcheurs d’une bande de terrain les bordant, près de la porte Cauchoise.
En 1246, Eudes Clément, archevêque de Rouen (et non son successeur, comme souvent mentionné par erreur, Eudes Rigaud, élu archevêque en 1247) leur octroya, avec la protection royale de saint Louis, un emplacement plus commode sur la rive droite. Il s’agissait de terres situées au revers de la muraille ouest de la ville, le long de la rue qui porta ensuite leur nom (actuelle rue Fontenelle).

Ils reprirent les bâtiment d’un ancien Hôpital dit des Chaussetiers ainsi qu’une partie du domaine des Filles-Dieu que l’archevêque avait acheté pour eux.
Dès ses débuts, d’importantes personnalités ont jalonné l’histoire du couvent des Jacobins de Rouen, comme Geoffroy de Beaulieu, confesseur du roi saint Louis, ou le cardinal de Fréauville, confesseur du roi Philippe le Bel.Après la prise de la ville par les Anglais en 1419, leur domaine fut amputé de toute sa partie sud, pour la construction du Vieux-Palais. L’état du couvent n’était pas bien brillant. Trop proche des murailles, il avait été dévasté avant et pendant le siège. Jean Le Maistre, Jacobin et Inquisiteur délégué pour le procès de Jeanne d’Arc en 1431, avait dû loger avec quelques autres Frères Jacobins, dans une dépendance du couvent des Carmes.
Reconstruit lors de l’embellie de la fin du XVe siècle, il fut mis à sac par les protestants en 1562.
A la fin du XVIIIe siècle, l’Intendant de la Généralité, Louis Thiroux de Crosne, avait mis au point une solution peu onéreuse mais fort astucieuse pour établir convenablement à Rouen le siège de son administration. Vers 1777, il conclut un accord avec les Jacobins. Ceux-ci avaient un cruel besoin d’argent. Ils consentirent à édifier sur une partie du domaine du couvent un hôtel de l’Intendant. Il fut achevé et loué par l’Intendant en 1780. Un emprunt de 60.000 livres avait été fait par les religieux.
Les bâtiments se situaient au sud de l’église. Ils formaient deux cours dont la plus importante était un cloître attenant au lieu de culte. Ils subirent les inconvénients de la proximité de la muraille. A de nombreuses reprises, ils furent amputés, modifiés, démolis pour satisfaire aux besoins militaires. Ils furent encore presque complètement modifiés à la fin du XVIIIe siècle.
L’église conventuelle, dédiée à saint Jacques, possédait une longue nef couverte d’une solide voûte de bois, en forme de berceau ogival mais avec un décor chargé de nombreuses peintures soignées. L’unique collatéral de la partie nord fut ensuite complété par plusieurs chapelles comme celles de Notre-Dame-de-Liesse, de Notre-Dame-de-Bon-Secours, du Mont-Sarah, de St-Bernard et de St-Thomas. Ce sanctuaire fut consacré le 15 juin 1261.
Son plan laissait apparaître l’identité dominicaine. La vocation double de l’ordre de St-Dominique imposait que le collatéral au sud fût entièrement dévolu à l’enseignement et à la prédication. Au nord, l’autre partie de la nef était attribuée aux seuls Jacobins. Les moines s’y réunissaient pour leurs offices et pour toutes les prières de la communauté.
Elle se terminait sur la rue des jacobins par un pignon plat percé d’une grande fenêtre ayant à son sommet trois roses formant un trèfle.
Un solide clocher couvert d’ardoises surmontait une tour à la charnière de la nef et du chœur selon la grande vue de Rouen de Jacques Le Lieur, au nord-ouest d’après certains plans.
Maintes fois modifiée pour des raisons militaires, elle se retrouva coupée des nouveaux locaux du monastère par la construction de l’hôtel de l’Intendance et dut être abandonnée en 1780 en même temps que la plus grande partie des locaux. Il fut alors décidé d’édifier une autre église, construite par l’entrepreneur Thomas Thibault et réalisée promptement à partir de 1780-1781. Bénie le 7 août 1782, la nouvelle église conventuelle St-Jacques comportait un portail principal débouchant sur un nouvel accès, une rue neuve aussitôt appelée petite rue des Jacobins.
Le couvent fut fermé en février 1790. Il finit, en grande partie, d’être rasé avec la totalité de son nouveau sanctuaire, en 1792. La nouvelle église fut détruite pour la mise en place d’une nouvelle rue prolongeant la rue Neuve Saint Jacques (actuelle rue Racine) jusqu’au boulevard.
Au cours du XIXe siècle, l’ancienne église St-Jacques (de l’actuelle rue de Fontenelle), désaffectée, servit de dépôt pour des fabriques de rouenneries.
Une galerie surmontant l’église fut même utilisée au début du siècle comme “gymnase hygiénique”. La façade, masquée par des constructions nouvelles,  n’a été détruit qu’en 1868-1869.
Aucun vestige in situ ne subsiste du vieux couvent et de son église. Son emplacement est maintenant occupé par le rectorat de l’académie de Rouen qui a repris après 1965 les bâtiments de l’ancienne préfecture. Lors de fouilles pratiquées au Rectorat en 1992, un des piliers gothiques fut dégagé. Déplacé, il est exposé au sein même du Rectorat avec d’autres découvertes (dans le parking souterrain et dans le restaurant administratif).
Seuls, quelques parties de l’Intendance avec leurs lignes classiques, aux sommets de fenêtres arrondies, sont conservés dans les locaux actuels.

 
Clergé
En 1770, le clergé se composait de 14 personnes :
12 religieux-prêtres
2 profès.
 
Orgues
Antoine Vincent, facteur d’orgues parisien, y éleva entre 1679 et 1681, le premier grand orgue rouennais à être doté de quatre claviers.
 
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Bibliographie
Histoire de la ville de Rouen, F. Farin, 3e ed., 1738, t. VI, p. 111-141.
Abrégé de l'histoire ... de la ville de Rouen, Lecoq de Villeray, 1759, p. 393-396.
Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, J. J. Expilly, Tome VI, 1770, p. 444.
Tableau de Rouen,
Machuel, 1777, p. 171.
Description historique des maisons de Rouen,
E. de la Quérière, 1821, p.118-119. T. II, 1841, p. 144-145.
Dalles tumulaires et inscriptions trouvées en 1869 aux Dominicains, Ab. Cochet, Bull. CDA, 1867-1869, p. 431.
Découvertes archéologiques à l'emplacement de l'ancien couvent des Jacobins,
Revue de la Normandie, 1869, 378, 454.
Monastère des Dominicains, plaques commémoratives,
Bull. CDA, 1870-1871, p. 346-348.
Sceau des Jacobinsd e Rouen,
E. Pelay, Bull. CDA, 1876-1878, p. 217-218.
Ancien couvent des jacobins de Rouen,
P. Chirol, Bull. CDA, 1938-1944, p. 61-77.
Le couvent de Saint-Jacques de Rouen, 1224-1790,
J. L. Eloy, 1965.
L'église du couvent des Jacobins à Rouen
, D. Pitte, Bull. AMR, 1997, p. 49.
Rouen aux 100 clochers, F. Lemoine, J. Tanguy, 2004, P. 129-130.
Restes du couvent des Jacobins
, Bull. CDA, 2006, p. 34.

© Copyright Jacques Tanguy, février 2013