Un récent article du quotidien Paris Normandie (10 nov.
2005) nous
informait que le crédit Industriel de Normandie avait pris la décision
de se séparer à terme de son siège sociale historique.
Plusieurs idées ont été avancées sur cet avenir : Deviendra-t-il
résidence, ou bureaux, ou même hôtel de luxe ?
Il est bien trop tôt pour en savoir plus.
Mais savez-vous qu'il a failli devenir musée au XIXe siècle
? Il nous a semblé intéressant de vous conter cette histoire.
Une famille fortunée
Rouen comptait parmi ses enfants éminents deux personnages hors du
commun. Ils étaient frères et s'appelaient Euglène et Auguste Dutuit.
Ils étaient les descendants d'artisans rouennais, des basdestamiers
(c'est à dire fabricants de bas). Leur père, Pierre-Etienne, avait
fait fortune en créant à Marseille, à la fin du XVIIIe
siècle une compagnie d'import-export et un armement naval. Il habitait
un bel hôtel particulier au n°21 du quai du Havre et eut trois enfants
(les deux frères et une sœur : Héloïse). Ses enfants héritèrent de
lui une solide fortune en 1852.
L'aine, Eugène, était né en 1806. Il s'intéressa à la politique et
fut conseiller municipal et adjoint au maire. Le cadet était né en
1812.
Des collectionneurs
Les enfants Dutuit avaient la passion de la collection. Ils
entassèrent dans leur hôtel une formidable somme d'œuvres d'art.
Eugène avait réuni plus de 400 eaux-fortes de Rembrandt (la totalité
de son œuvre gravée) et leur avait adjoint des centaines de gravures
de Dürer, Callot, Will, Gelée,... Il y avait ajouté de nombreux
tableaux, en particulier des écoles hollandaises et flamandes. Il
s'intéressa aussi aux livres, aux faïences, aux bronzes, aux émaux,
aux tapisseries...
Le projet d'un musée rouennais
Sentant ses forces diminuer, il voulut créer, dans les années 80 du
XIXe siècle, un musée public pour y mettre sa collection.
Il avait jeté son dévolu sur l'Hôtel de Bourgtheroulde qui
appartenait alors à un certain Matheus. Il lui avait proposé en 1885
la coquette somme de 250.000 francs pour l'acquisition. Il prenait tous
les frais d'établissement à sa charge et se promettait d'offrir le
musée à la Ville.
Mais l'hôtel était loué depuis 1848 à une banque, le Comptoir
d'Escompte de Rouen. L'établissement ne tenait pas à quitter ses
locaux historiques de la place de la Pucelle. Il fit une
contre-proposition au même prix. Hélas pour lui (et pour nous !),
Eugène avait du s'absenter de Rouen. A son retour, l'affaire était
conclue avec la banque.
Cette dernière proposa une rétrocessions en 1886. Mais le bail du
Comptoir d'Escompte était fort long et Eugène Dutuit ne voulant pas
que la ville paya le surplus, l'affaire fut définitivement enterrée.
La vengeance
Eugène décéda le 25 juin 1886 (non pas de rage, mais d'une congestion
pulmonaire), Son frère Auguste héritait de la collection. Artiste, il
avait participé à son embellissement, en particulier du côté des
bronzes et des céramiques. Après les décès de son frère et de sa sœur,
il vivait surtout à Rome. Il décéda en 1902. Aussitôt l'immeuble du
quai du Havre fut mis sous scellés.
La ville de Rouen déchanta vite. A l'ouverture du testament il apparut
que toute la collection avait été léguée à la ville de Paris ! Une
clause prévoyait même que si la ville de Paris se désintéressait du legs,
c'est la ville de Rome qui en bénéficierait.
Les collections prirent donc la route pour Paris où elle forment la
base des collections du musée du Petit Palais (qui vient d'être
réouvert, le 10 décembre 2005).
Un nouveau hôtel de
grande classe pour Rouen
Après quelques mois de travaux, l'Hôtel de Bourgtheroulde
vient de rouvrir sous la forme... d'un hôtel de tourisme.
Mais quel hôtel !
Doté de quatre étoiles pour le moment, il n'attend plus que la norme
soit publiée pour en acquérir une cinquième (un peu de dorure suffira
pour cela).
Ses 78 chambres et ses équipements exceptionnels, ses deux restaurants,
ses cinq salles de réunion en font un outils formidable pour le
développement du tourisme de haut de gamme en notre ville.
Découvrez l'Hôtel de Bourgtheroulde
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