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Sur la position : |
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Le choix de la localisation du Panorama XXL me
semble pour le moins malheureux.
Il brise deux des plus belles perspectives sur
Rouen, celle des quais depuis l'aval et en
particulier au travers de l'arche monumentale du
pont Flaubert, et celle depuis l'église de la
Madeleine et l’Hôtel-Dieu transformé en Préfecture
de Région. L'architecte avait mis en valeur cette
percée vers la Seine jusqu'à la rive gauche, mettant
en valeur le monumental édifice qui est au nord, les
constructions nouvelles qui ornent l'avenue Pasteur,
les quais de la Seine, le hangar 106 et les deux
grues "Picasso", seules survivantes dans cette
partie du port et rappelant le passé des quais.
Pourquoi ne pas avoir placé cet énorme cylindre sur
l'autre rive, entièrement reconstruite après la
seconde guerre mondiale, où il aurait pu évoquer les
gazomètres ou les réservoir pétroliers d'antan ?
Cela aurait contribué à la mise en valeur des
nouveaux quais aménagés de l'autre côté du fleuve,
sans pour cela nuire (au contraire même !) à
l'attractivité de l'espace des Marégraphes.
Ajoutons que le rétrécissement des quais au droit du
Panorama XXL risque d'entraîner bien des problèmes
pendant les Armadas. |
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Sur le Panorama XXL |
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Il nous semble étrange, en ce début du troisième
millénaire, que l'on ait ressuscité ces attractions
très en vogues au XIXe siècle et qui ont
toutes disparues au début du XXe, suite à
l'invention du cinéma. (voir l'histoire
des Panoramas)
A l'heure de la réalité virtuelle augmentée, ce
retour en arrière me semble quelque peu étrange.
On m'a objecté que les gens étaient lassés de ces
images animées et aspiraient à pouvoir se "poser" en
découvrant une image fixe. La chose me semble loin
d'être prouvée. J'ai au contraire constaté que
nombre de personnes étaient au contraire très
mécontentes de payer si cher pour voir une image
fixe.
L'argument me semble donc faible et surtout le fait
de "bobos" sans contact avec les aspirations réelles
des populations. |
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Sur la représentation
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Une
promenade sur le Panorama XXL
suffit pour relever le nombre phénoménal d'erreurs
dans la représentation. On peut considérer que près
de 80% de ce qui y est dessiné est erroné ou ne
correspond pas à l'époque qui est censée être celle
de l'image.
Il est vrai que l'exercice est bien difficile car
nous ne disposons pratiquement pas de
représentations graphiques de l'époque (il faut
attendre 1525 et le fameux Livre des Fontaines
de Jacques Le Lieur pour avoir quelque chose d'à peu
près fiable)
Les sources narratives sont diverses à exploiter,
mais peuvent quand même éviter bien des
anachronismes. Nous les avons utilisées en
particulier pour les fiches par monuments qui
accompagnent l'exploration
que nous en avons faite.
La communication autour de la réalisation d'Asisi,
insiste sur le recours à un "Conseil scientifique".
Je suis navrés pour les gens cités (p. 132 du
catalogue Rouen 1431) Je les connais
suffisamment et m'honore de les considérer comme mes
amis. Il n'est pas possible qu'ils soient à
l'origine de telles erreurs !
Je sais d'ailleurs que certains d'entre eux ont
préféré ne pas participer à l'expérience ou de
quitter le bateau avant que cela ne tourne mal.
J'ai cru comprendre que les deux qui restent l'ont
fait pour éviter le pire. Je suis malheureux de
constater qu'ils n'ont pas réussi dans leur
démarche, sinon à servir de caution à une opération
peu réussie du point de vue historique.
Il est significatif qu'on n'ait pas cru bon de leur
demander un "Bon à tirer", ce qui est pourtant la
moindre des politesses dans le cas d'un tel travail.
Le concepteur s'est défendu par avance en disant que
c'était une "œuvre d'art" et qu'il revendiquait la
liberté de l'artiste. Je ne discuterai pas de la
nature artistique du travail car tel n'est pas mon
propos d'historien et je pense que la liberté de
création est une liberté fondamentale qu'il faut
protéger. Mais à ce moment là, pourquoi présenter la
chose comme une œuvre historique ? |
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Sur l'intemporalité des
monuments représentés |
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Il est surprenant de constater que
tous les monuments sont représentés en parfait état.
Tous les documents de l'époque insistent sur le fait
que les destructions du siège de 1418-1419 n'étaient
pas réparées (elles ne le seront généralement que
dans la deuxième moitié du siècle)
de la même façon, les maisons sont présentée avec un
aspect très "neuf". Au XVIe siècle, alors
que la prospérité est revenue depuis un bon bout de
temps, le Livre des Fontaines nous montre nombre de
maisons décrépies. |
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Sur le manque de
synchronisme des scènes présentées |
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Je suis personnellement gêné par le
manque de synchronisme dans la représentation de
scènes. Jeanne est ainsi
représentée trois fois en même temps, et à des dates
différentes.
Je sais que c'est un parti pris de l'auteur qui en
cela est dans la droite ligne des panoramas du XIXe
siècle. Cela peut être effectivement admissible dans
le cas d'une œuvre artistique, mais pas, à mon point
du vue, dans une œuvre historique. |
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Sur la communication |
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Toutefois le projet nous est présenté comme étant
une création historique : "Rouen 1431, à l'époque
de Jeanne d'Arc"
J'aurais préféré que l'on communique plus sur le
côté artistique en disant que c'était la vision d'un
concepteur venu d'ailleurs et non une œuvre
d'histoire.
Je pense que cela aurait été plus clair et plus
honnête vis-à-vis des visiteurs. Pour en avoir parlé
avec certains d'entre eux, j'ai cru sentir une
certaine déception à ce sujet.
On m'a objecté que ma vision d'historien n'était pas
partagée par la plus grande partie des visiteurs.
C'est possible, mais je pense que c'est méprisant de
prendre les gens pour des imbéciles en leur faisant
gober n'importe quoi. |
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Sur l'opportunité |
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Très attaché à Rouen, je suis toujours intéressé par
ce qui permet d'y faire venir des visiteurs. Il en
va de notre tourisme et de notre richesse.
Mais je pense que cela ne doit pas se faire
n'importe comment et à n'importe quel prix.
L'histoire de Rouen mérité le respect.
Les finances de la Métropole aussi je suis inquiet
de l'importance des sommes en jeu.
On m'a assuré que l'opération était un succès
financier. Les frais de fonctionnement sont
semble-t-il couverts par les recettes et cela a
permis de pérenniser quelques emplois ce dont je me
réjouis.
Mais l'investissement a été lourd. J'ai entendu dire
qu'il pourrait être rentabilisé sur une période
d'une vingtaine d'année ! Je ne connais pas un
entrepreneur qui ferait un tel pari sur l'avenir.
A une époque où les besoins financiers sont si
pressants à la fois pour une partie de notre
population laissée de côté par la vie économique,
mais aussi pour la ville qui souffre d'un grand
retard dans sa mise en valeur, je pense que cet
argent aurait été plus utile ailleurs. |
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Sur la réalisation
technique |
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On peut regretter l'importance exagérée des période
"de nuit". Les spectateurs ne manquent pas de le
signaler par de nombreuses remarques sur le livre
qui est à la disposition du public près de la
sortie.
A notre avis, ces plages de nuit n'apportent rien à
l'ouvrage, et, au contraire, nuisent à une bonne
étude de ce qui est représenté.
Ajoutons que la nuit, le couvre-feu faisait que nul
ne pouvait se trouver dans les rues. La fixité de la
toile fait que ce n'est pas le cas ici.
L'auteur explique que l'image de nuit offre une
image plus spacieuse et qu'on peut mieux se
concentrer sur l'espace et le méditatif qu'apporte
le Panorama XXL en tant que forme artistique.
La chose me semble encore à démontrer ...
On peut peut-être aussi expliquer cet artifice par
la volonté de donner un peu de vie à une image par
essence ... inanimée.
La mise en place matérielle de la toile nous semble
quelque peu laisser à désirer. Les déformations dues
aux ondulations de la toile troublent la vue des
monuments. Par exemple, une des balustrades du
transept sud est déformée par des vaguelettes. Hum !
...
Même en période estivale, la partie supérieure de la
toile présente ce "gondolement" désagréable.
Il est vrai que la tension parfaite d'une telle
toile est un exercice bien difficile surtout si on
tient compte des périodes de sécheresse et
d'humidité. |
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