Eglise Saint-Godard

La paroisse St-Godard est certainement antérieure au XIIe siècle. L’hypothèse selon laquelle elle aurait pu être la première cathédrale de Rouen est de plus en plus difficile à soutenir bien qu’elle relevait de l’église métropolitaine. Une dédicace initiale à Notre-Dame (ou même Ste-Marie-du-Faubourg dite Ste-Marie-hors-les-Murs) est douteuse. Les traces d’un patronage à saint Romain sont plus nombreuses. Par exemple, une Vie de saint Romain écrite vers la fin du XIe siècle laisse entendre qu’elle portait le nom de l’évêque Romanus qui y fut inhumé en 639. Le corps de l’évêque y resta jusqu’à son transfert définitif dans la cathédrale peu avant 1090 par l’archevêque Guillaume Bonne Ame.

Les insignes reliques parties, l’église reçut une nouvelle dénomination. Les Rouennais, comme les moines de l’abbaye St-Médard de Soissons s’étaient certainement persuadés à cette époque que les deux prélats rouennais saint Godard et saint Romain avaient été enterrés dans la même église. Mais, la seule sépulture épiscopale dans cette église n’a jamais été que celle du second. Jusqu’au XIXe siècle on y montrait un sarcophage de porphyre rouge, peut être d’origine antique.
En 1248, un incendie détruisit l’ancien édifice. Une nouvelle église fut reconstruite. Le sanctuaire primitif fut agrandi à bien des reprises et à diverses époques.
St-Godard, située à proximité du château de Bouvreuil, fut naturellement la paroisse du nouveau siège du pouvoir royal qui succéda à celui du duc de Normandie. Philippe Auguste, devenu maître de Rouen en 1204, construisit dès l’année suivante une forteresse et un donjon sur la petite colline surplombant légèrement l’église.
L’architecture générale de l’église, que l’on peut admirer actuellement, date essentiellement du XVIe siècle, mais la tour carrée ne fut terminée qu’en 1613. Le clocher est toujours inachevé puisque sa flèche ne fut jamais construite.
Comme toutes les églises de Rouen, elle fut mise à sac par les Huguenots en 1562.
Au XVIIe siècle, François Farin, le célèbre historien de Rouen, fut “prêtre, clerc matriculier” de la paroisse. Il était alors chargé de tenir le matricule, registre sur lequel étaient inscrits les noms des clercs et des pauvres. Il remplissait parfois les fonctions de maître d’école. L’abbé Farin était originaire de la paroisse de St-Denis de Rouen.
L’essentiel du monument est des XVe et XVIe siècles.
Les trois nefs d’égale hauteur de St-Godard sont voûtées de bois. Ces voûtes datent de 1617-1618 et ont pu être réalisées avec des « douvains à pipe », comme pour la Salle des Procureurs du Palais de Justice. La possibilité de disposer de belles pièces de chêne de taille standard, sans défaut, en grande quantité montre certainement un beau désir d’économie !
De belles poutres traversent l’ensemble des charpentes. Une abside à trois pans termine la nef centrale. Le portail principal était autrefois précédé d’un avant-porche, aujourd’hui détruit. Les murs latéraux sont percés de deux portes. La porte sud ouvrait sur le cimetière qui s’étendait vers l’église St-Laurent. Depuis la disparition du cimetière, elle est condamnée.
La tour carrée date de la Renaissance. Ses portes gothiques portent les armes des Brézé.
Une crypte subsiste sous la chapelle saint Romain, dans le haut du bas-côté nord. Elle a été entièrement refaite au XVIe siècle. Jusqu’au début du XXe siècle, une messe y était dite chaque année, à la St-Romain. Elle recèle quelques vestiges des armoiries de la famille de Guiry qui prétendait descendre d’un frère de saint Romain. On y célébrait une messe annuelle à saint Romain.

Conservée comme paroisse en 1791, fermée pendant la Terreur, elle avait servi à l’extrême fin du XVIIIe siècle pour des assemblées du nouveau culte théophilanthropique qui ne durèrent pas. Elle ne fut pas retenue comme paroisse lors du Concordat de 1802.
L’église fut alors désaffectée et se délabra rapidement, n’étant que peu entretenue. Elle fut rendue au culte en 1806, grâce à l’insistance de l’abbé Chefdeville, comme succursale de la paroisse St-Patrice, et redevint paroissiale à partir de 1829. En août 1981, l’église fut fermée pendant plusieurs mois pour un sérieux nettoyage intérieur, n’ayant pas été “dépoussiérée” de fond en comble depuis le début du XIXe siècle. De nos jours, la paroisse St-Godard a été fortement remaniée et regroupée avec celle de St-Romain où se déroule l’essentiel du culte.

 
Clergé
En 1770, le clergé se composait de 4 personnes :
2 prêtres
1 acolyte
En 1834, le curé était M. Chefdeville, 2, rue du Coquet.
 
Mobilier

La chapelle de la Vierge renferme le tombeau en marbre blanc de Charles et Pierre Becdelièvre marquis d’Hocqueville et de Quevilly.
Une bonne partie du mobilier avait été dispersé lorsque l'église ne fut pas comptée dans les églises paroissiales au début du XIXe siècle. C'est ainsi que des stalles et un confessionnal partirent pour l'église Saint-Romain.
Le tombeau de Saint-Romain qui se trouvait dans la crypte a trouvé place dans la même église. Il est sous l'autel de la chapelle de gauche.

Le dégagement du franc sud de la nef a permis de mettre en valeur la porte latérale de ce côté. Sa partie supérieure comporte un beau décor gothique flamboyant surmontant des panneaux plissés.
 
Orgues

Il y avait un orgue à St-Godard dès le milieu du XVIe siècle puisqu’il fut augmenté en 1556 par le facteur Antoine Josse. Détruit par les Huguenots, il fut reconstruit par Guillaume Lesselie en 1640. Il n’en reste rien.
L'orgue de tribune a été construit en 1884 par Cavaillé-Coll.
Il a été relevé sous la direction de Charles Mutin en 1895 et en 1924.
De nouveaux relevages et modifications ont eu lieu en 1959 par Beuchère-Debierre et en 1984 par Philippe Hartmann.
 

L'orgue de chœur a été construit en 1885 par Cavaillé-Coll.
Il a été nettoyé en 1999.
Il est classé Monument historique depuis 1999.

 
Vitraux

L'église Saint-Godard était connue pour la beauté de ses fenêtres. Non retenue dans la liste des paroisses conservées au moment du Concordat, cette vitrerie a été dispersée. Certains de ces vitraux ont été remontés dans l’église St-Patrice et dans l’abbatiale St-Ouen.
Elle a été complétée au XIXe siècle par des vitraux modernes.
Une des plus grandes richesses de l’église St-Godard réside dans les quelques vitraux qui sont encore en place. Ils ont des couleurs vives et éclatantes. Ces couleurs, en particulier le rouge sont à l’origine d’un dicton populaire à Rouen : En parlant d’un vin rouge coloré, riche et velouté, les vieux Rouennais disaient autrefois : “Il est de la couleur des vitres de St-Godard”.
St-Godard a conservé Le Grand arbre de Jessé (œuvre d’Arnoult de Nimègue, daté de 1506) et Les Episodes de la vie de saint Romain (de 1555).Le Musée des Antiquités de Rouen conserve encore quelques scènes bien fragmentaires de la vie de saint Nicolas (Galerie Langlois, 3e fen., 1547 par Jehan de Parys). Bien d’autres ont disparu comme celui représentant La Sibylle Samos qui avait été remonté dans la deuxième fenêtre du bas-côté nord de l’église abbatiale de St-Ouen et qui a été volé au XIXe siècle.
Des vitraux se trouvent maintenant dans l'église Saint-Patrice.

Vitraux anciens

Apparitions du Christ
1500-1510
Légendes
de Saint-Romain
1540
Arbre de Jessé
1508
Vie de la Vierge
1506
 

Vitraux XIXe siècle : chœur

Saint-Godard Gloire du Christ Saint-Laurent

Aile Nord

La peste à Rouen Procession de
Saint-Romain
Saint-Prétextat Mères célèbres Saint Louis

Saint Musicaux Saint Jean-Baptiste

Aile Sud

Saint-Paul Saints de
L'histoire de France
Marie-Madeleine Jésus sur une
barque
Saint-François
d'Assise
Saint-Vincent de Paul Saint-Charles Borromé

Façade

Immaculée Conception (masqué par buffet)
 
Cloches
Un procès verbal de 1765 indique la consécration de trois cloches fondues par le Picard Jean Cuvillier. Les parrains étaient des membres de familles de magistrats du Parlement.
Une cloche datant de 1818 portant le nom de Hubertine-Stéphanie-Suzanne avait pour fondeur Caplain père du Petit-Couronne.
Deux cloches ont été ajoutées à la fin du XIXe siècle et bénies le 1er juin 1880. Elles avaient été fondues par Havard, de Villedieu. La première se nomme Justine-Alexandrine-Ernestine, la seconde Louise-Julie-Gabrielle.
 
Confréries
Réformation des Charités de Notre dame, de l'Eucharistie,, du Christ, de saint Godard, le 25 mai 1435.
Approbation de la confrérie des bienheureux Godard et Médard, le 12 mai 1441. Ajout des saints Priest et Saturnin le 9 janvier 1479.
Association en l'honneur de Dieu Tout-Puissant, et de la bienheureuse Vierge Marie et de saint Saturnin, le 24 auût 1541.
Approbation de la fraternité des écrivains de Rouen, fondée en l'honneur de Dieu Tout-Puissant, de la très glorieuse Vierge marie et des saints Jean de la Porte Latine et Romain, le 20 février 1596.
 
Localisation


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Bibliographie
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Histoire de la ville de Rouen, F. Farin, 3e ed., 1738, t. IV, p.394-428.
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Abrégé de l'histoire ... de la ville de Rouen,
Lecoq de Villeray, 1759, p. 320-324.
Tableau de Rouen,
Machuel, 1777, p. 95-98.
Exploration de la Normandie - Rouen
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Restitution à la crypte de Saint-Godard du tombeau de Saint-Romain,
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Rouen illustré I,
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Rouen, Illustré II,
P. Baudry, 1884, p. 107-76.
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Une verrière commémorative dans l'église Saint-Godard de Rouen,
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Farin Historien de Rouen,
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Le grand orgue de l'église Saint-Godard de Rouen,
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Note sur l'église Saint-Godard de Rouen,
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De quelques usages de l'église Saint-Godard de Rouen,
Ch. de Beaurepaire, Bull. CDA, 1891-1893, p.391-394.
Note sur les cryptes de Saint-Godard et de Saint-Gervais de Rouen,
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© Copyright Jacques Tanguy, février 2013