Eglise Saint-Maclou

Saint-Maclou est une variante de Saint-Malo.
Déjà au Xe siècle existait un modeste oratoire. Il est douteux qu’il y ait eu une communauté d’origine bretonne importante dans ce quartier même si le faubourg de Martainville possède quelques éléments toponymiques qui vont dans ce sens.
La première église St-Maclou fut ruinée par le grand incendie de Rouen en 1200 et reconstruite, à deux reprises, en 1203 et 1210. Vers 1230, au début du règne de saint Louis, l’extension de la ville repoussa les murailles de la cité de ce côté de la ville. Les drapiers dont la présence est reconnue dans le quartier dès 1234 étaient responsables d’une nouvelle richesse justifiant cette protection. La nouvelle enceinte engloba cette deuxième église entièrement rebâtie et St-Maclou fut érigée en nouvelle paroisse de Rouen.
En septembre 1432, la nef de l’édifice s’écroula, faute d’entretien. Alors, plus de 89 ans de “perpétuels travaux” débutèrent (1432 à 1521). Ce furent d’abord une restauration de l’ancienne église, mais les paroissiens s’y trouvaient un peu à l’étroit. Il fut décidé, dès 1436, de faire table rase du passé afin qu’une troisième église fut réédifiée “de neuf, et plus grande et plus belle qu’elle n’avait été”.

Pour partir sur des bases nouvelles, un plan fut tracé en mai 1437 par Pierre Robin, maître-maçon de Henri VI de Lancastre. Rouen était encore sous le contrôle du monarque anglais. Paris, libéré de ce contrôle en 1435, reconnaissait le roi Charles VII comme l’unique souverain.
L’édifice présente une double influence parisienne et normande. Le transept ne figure pas sur le dessin au sol, caractéristique parisienne puisqu’on la retrouve à la cathédrale Notre-Dame de Paris, mais se révèle dans son élévation, tout comme le décor graduellement luxuriant, exubérant vers les parties hautes de l’ensemble du monument. La tour lanterne, la pile dans l’axe du chœur et surtout le porche à cinq pans bien particulier attestent de l’influence normande.
La paix revenue en 1449 avec l’entrée de Charles VII dans la ville reconquise par le comte de Brézé, la construction bénéficia de très larges libéralités. Les deux cardinaux-archevêques successifs de Rouen, Georges Ier d’Amboise (Ministre de Louis XII, légat du pape) et son neveu, Georges II, ainsi que d’opulents drapiers de la paroisse (les Dufour, riche et puissante famille en particulier) contribuèrent par leurs dons au financement du projet, ainsi que de nombreux fidèles.

La dédicace de la nouvelle réalisation eut lieu en 1521, en présence de Georges II d’Amboise. A l’extérieur, l’église affirmait son appartenance gothique, quoique de style flamboyant, mais les finitions en furent achevées en pleine période renaissance.
Le cardinal Georges Ier d’Amboise, le véritable “instigateur” de la Renaissance en Normandie et qui fut vice-roi du Milanais, transmis ainsi un riche “héritage spirituel” à son neveu, Georges II. Le second cardinal d’Amboise octroya un grand honneur à St-Maclou, “Fille aînée de l’archevêque de Rouen”, en la nommant gardienne des Saintes Huiles pour les autres paroisses. A cette époque, la cathédrale n’était pas elle-même érigée en paroisse et St-Maclou formait ainsi la première paroisse du doyenné de la chrétienté. Un si grand privilège fut concédé en reconnaissance des grands services rendus à la paroisse par son fidèle curé de 1508 à 1522, Arthus Fillon. Né à Verneuil-sur-Avre, ce chanoine de Rouen devint plus tard évêque de Senlis. Il fut un des généreux donateurs en faveur de sa paroisse natale.

Les deux bras de la croix du pignon occidental de St-Maclou portèrent alors chacun une fiole sculptée dans la pierre symbolisant la mission confiée à la paroisse, détentrice des vases sacrés. Quant à “l’aiguille” ou pyramide de bois, haute de 37 mètres, elle fut élevée au faîte du clocher par Martin Desperrois, en 1516-1517.
L’église subit elle-aussi les assauts des Huguenots en 1159 et 1562.
En 1642 le coq qui surmontait la flèche fut abattu par la tempête, comme dans d’autres églises de la ville.
Foudroyée en 1706, la pyramide du clocher fut abattue en grande partie dès 1735. La flèche de St-Maclou eut à souffrir encore bien d’autres vicissitudes. Elle fut littéralement tronquée en 1791 et, dès 1794, l’essentiel de sa couverture de plomb doré fut enlevé pour être fondue en balles de fusil. Deux ans plus tard, il n’en restait plus rien. Elle fut remplacée par une petite toiture “en éteignoir” comme aimaient la qualifier par dérision les Rouennais de l’époque.

Le plan centré de cette église est d’une remarquable simplicité. La nef à trois travées, de 23 mètres d’élévation, les collatéraux et leurs chapelles rejoignent l’alignement du transept qui, de ce fait, n’apparaît pratiquement plus sur le plan. Sur le déambulatoire qui entoure le chœur de deux travées s’ouvrent des chapelles rayonnantes. Le nombre pair de chapelles hexagonales - quatre seulement - et le fait qu’un pilier soit placé dans l’axe sont une particularité normande. Les piliers de St-Maclou portent des moulures prismatiques qui fusent jusqu’à la clef de voûte, sans chapiteaux, ce qui concourt à la pureté des lignes ascendantes.

La façade occidentale est percée de trois portails abrités par un porche à cinq pans. Les arcatures des extrémités sont aveugles. La porte principale est surmontée d’un tympan sculpté figurant le Jugement Dernier.

Deux portails latéraux s’ouvrent au nord et au sud. Le portail nord, en particulier, est fort décoré.

A la croisée de la nef et du transept s’élève une haute tour lanterne surmontée d’une chambre des cloches et d’une flèche de pierre qui a remplacé au XIXe siècle la flèche de charpente de Martin Desperrois.

A la Révolution, l’église fut retenue parmi des treize paroisses de Rouen conservées. Fermée en 1793, elle subit des dégradations et servit de fabrique d’armes. Elle ne fut rouverte au culte qu’en 1802.
De 1868 à 1870, l’architecte Barthélemy reconstruisit une flèche de pierre d’une hauteur de 33 mètres, assise sur la tour lanterne, et dans un style néo-gothique, voulant en imiter le volume et la ligne initiale. Cette flèche porte le coq à 87 mètres de hauteur.
Dès le 9 juin 1940, dans la matinée, une formidable déflagration retentit : l’explosion du pont Corneille. Elle provoqua quelques dégâts dans la chapelle Ste-Clotilde-St-Nicolas.
Lors d’un bombardement, dans l’après-midi du 4 juin 1944, une première bombe tomba hors de l’église, mais à quelques mètres, provoquant un violent souffle aux abords immédiats de la chapelle sud-ouest. Le massif occidental fut alors atteint. En même temps, une seconde bombe toucha une pile du chœur de la deuxième travée sud (entre la chapelle St-Joseph et la chapelle Ste-Clotilde-St-Nicolas au sud-est) pour exploser non loin de l’autel majeur. Littéralement éventré, le chœur coupé en deux, le vaisseau dans son ensemble trembla.
Le 29 novembre 1945, à midi, l’ensemble du croisillon au-dessus du chœur s’écroula au milieu du sanctuaire fragilisé.
L’église fut si fortement ébranlée qu’il fallut plus de 35 ans de réfection pour qu'elle soit rendue au culte dans sa totalité. La nef avait été rouverte en juin 1958, le chœur à Noël 1980. En 2002 commencèrent les travaux de restaurations de la nef. La façade et les toitures, ainsi que les transepts font l'objet d'une restauration complète.

 
Clergé
En 1770, le clergé se composait de 50 personnes :
16 prêtres
3 diacre
1 sous-diacres
10 acolytes
En 1834, le curé était M. Grésil,195, rue Martainville.
 

Maquette

Le Musée des beaux arts possède une remarquable maquette de l'église.
On l'a présentée tout à tour comme l'œuvre d'un vicaire de l'époque de sa consécration, ou comme le modèle d'architecture qui a servi à conduire sa construction.
Il est encore impossible de proposer une datation crédible.
Elle montre la flèche de bois terminée en 1516. Mais de nombreux détails différent de la réalité (comme les toits des chapelles en pyramides, les rosaces dans les contreforts des arcs boutants ou les tourelles des transepts)
La présence à l'intérieur du jubé, ainsi que l'amovibilité de la façade incitent à penser qu'elle a été réalisée à l'occasion de la construction (1513) ou de la modification (1516, 1541, 1562-1572) de celui-ci .
Sur une armature en bois, elle est réalisée en carton. Les statues sont en parchemin et les têtes en mie de pain. Les vitraux sont en verre, en nacre ou en micas.

 
Mobilier

L’église St-Maclou était dotée d’un mobilier particulièrement riche.
Le balcon de la tribune de l’orgue est soutenu par deux colonnes classiques, de marbre noir avec des chapiteaux sculptés et des bases de marbre blanc. Réalisé en 1541, ce chef-d’œuvre s’affirme comme le fruit du travail du célèbre Normand Jean Goujon.
L’escalier à vis provenait bien du jubé supprimé. Ce dernier a été remarquablement adapté à sa nouvelle destination pour devenir l’admirable “degré des orgues”. Cette tourelle d’escalier avait été exécutée par Pierre Gringoire en 1517.
Jusqu'en 1939, un tambour provenant de l'ancienne église des Antonins était placé dans le bras sud du transept.

Portes

Les trois portes Renaissance sont justement renommées. L’écrivain Prosper Mérimée resta plus d’une heure en contemplation devant elles. Il est aussi attesté que le maréchal Goering, venu inspecter le mur de l’Atlantique en 1943, fit aussi un détour pour les contempler...
Elles ont été sculptées après 1552 (mais avant 1560). Leur attribution est bien controversée. Certains y ont vu le ciseau de Jean Goujon,  mais nous n’avons rien qui permette de l’affirmer.
Sur la porte de gauche dite “des Fonts”, la parabole du Bon Pasteur est représentée dans un médaillon soutenu par quatre légionnaires romains et des allégories de trois des Quatre-Saisons. La représentation du printemps est proche de la figuration des nymphes de la Fontaine des Innocents à paris, œuvre majeure de Jean Goujon.
Sur la porte centrale à double vantaux furent figurés dans des médaillons supportés par huit figures symboliques l’opposition de l’ancien et du nouveau Testament. A gauche, la Circoncision est supportée par quatre prophètes, et à droite le Baptême du Christ supporté par les quatre évangélistes et leur symbole.
Sur la porte à deux vantaux du transept nord, donnant sur la rue Martainville et datée de 1552, furent représentés, dans le médaillon de gauche, l’Arche d’Alliance et, dans le médaillon de droite, la Dormition de la Vierge. Le principe d’opposer ainsi Ancien et Nouveau testament est courant à cette époque.
Ces portes s’apparentent par leur décor à l’art de Fontainebleau. (A voir sur Rouen-Histoire)
Porte nord Porte des Fonds Porte principale

Boiseries

Le maître-autel avait été conçu par l’architecte rouennais Charles Thibault sous le règne de Louis XV comme les autels des chapelles rayonnantes. Au-dessus du maître-autel, avait été élevée une gigantesque “Gloire” toute en dorure et en stuc, soutenue par de nombreux pilastres. Elle accompagnait une “Poutre de Gloire” ou “Porte-Christ” (restaurée et reposée en 1982) surmontée de la Crucifixion. L’ensemble fut élevé d’après les dessins de Defrance et Le Carpentier, dans le plus pur style baroque en vigueur au milieu du XVIIIe siècle.
Ce décor avait été sculpté par Louis Cahais, Le Quen et Torcy, menuisiers, vers 1757. L’ensemble avait été doré par Le Prince en 1776. Il a presque entièrement disparu suite aux destructions subies lors du bombardement de 1944. Deux figures d’anges subsistent encore du vaste ornement et ont été réinstallées dans le chœur, ainsi qu’un angelot qui peut être admiré dans la chapelle du baptistère.
La chapelle de Notre-Dame-de-Pitié possède encore ses boiseries, en particulier un autel au colonnes torsadées et quatre confessionnaux. Cette œuvre a été réalisée en 1745 par le menuisier Lefebvre et le sculpteur Lefrançois.
L'entrée du chœur est surmontée d'une belle poutre de Gloire. Le christ est entouré de deux anges dorés.

Le chœur avant 1944 Chapelle de N.-D. de Pitié Autel de N.-D. de Pitié
N.-D. de la Délivrance Poutre de Gloire Baptistère
   
  Autel de Saint-Antoine de Padoue
(disparu)
 
 
Tableaux
L'Exaltation du Sacré Chœur (XVIIIe siècle) se trouvait dans la chapelle Sainte-Clothilde.
L'Extrême onction (1er quart du XVIIe siècle)
La Délivrance de l'apôtre (XVIIe siècle) était dans la chapelle Saint-Pierre-aux-Liens.
Saint Grégoire le Grand de Sacquespée (1664, 3e quart du XVIIe siècle) se trouvait dans la chapelle du Crucifix.
Sainte Radegonde visitant le tombeau de Saint-Martin (XVIIe siècle) se trouvait dans la chapelle Sainte-Reine.
Saint-Dominique (XVIIe siècle) se trouvait dans la chapelle Sainte-Clotilde.
Jésus prêchant dans le désert, de Foulongne (1855) se trouvait dans le transept sud.
Deux tableaux représentant les Nativités du Christ et de Jean-Baptiste (1622) se trouvaient avant 1940 dans la chapelle de la Vierge. Ils ont été attribués à Nicolas de la Haye.
Marie au pied de la Croix (milieu XVIIIe siècle) dans la chapelle Notre-Dame-de-Pitié.
L'Annonciation (XVIIe siècle) se trouvait dans la chapelle Saint-Clair.
Le Baptême du Christ (XVIIIe siècle ?) se trouve dans la chapelle des Fonds.
Avant la Révolution, un tableau d'Adrien Sacquespée représentant Sainte Clotilde construisant l'abbaye des Andelys se trouvait dans l'église. Il a été attribué en 1821 à l'église de Saint-Léger-du-Bourgdenis.
Marie au Pied de la Croix Baptême du Christ Sainte Clotilde construisant l'abbaye des Andelys
 
Vitraux

Les vitraux étaient en mauvais état avant d’être déposés en 1939, à l’exception de ceux du transept. Ils ont été restaurés et reposés. L’Arbre de Jessé (vers 1470), Le Couronnement de Marie (vers 1470), La Passion (vers 1500), Le Christ du jugement (vers 1470), les Vitraux de saints (1487) et La Hiérarchie céleste (de la fin du XVe siècle) sont reconnus comme l’un des plus beaux exemples de la fin du moyen âge dans notre ville.

Voir les vitraux sur Rouen-Histoire

 
Orgues

Le buffet de l’orgue de St-Maclou avait été finement ouvragé. Le décor choisi était somptueusement agrémenté de sculptures du maître-huchier de la cathédrale de Rouen et du château de Gaillon, Nicolas Castille, au cours de la première Renaissance. Il est daté de 1520.
La partie instrumentale était l'œuvre d'Antoine Josseline (ou Jousseline).
En 1627, on a construit un buffet de positif.
L'instrument a été reconstruit par Charles Lefebvre en 1732, puis par Merclin au XIXe siècle.
Deux autres reconstructions ont été nécessaires au XXe siècle : 1965 : par Haerpfer-Erman et 1998 par Kern.

A voir sur Rouen-Histoire

 
Cloches

Après sa construction, en 1529, le clocher contenait six cloches.
Six autres furent ajoutées. Elles formaient la plus belle sonnerie de Rouen. Elles ont été sécularisées en 1793.
Au moment du Concordat, une seule cloche les remplaça, accompagnée de deux tinterelles.
En 1826, le curé, M. Grésil, la fit refondre et augmenter. On ajouta deux cloches qui furent bénies en 1826.
La plus grosse se nomme Marie et avait été fondue par Capelain père, de Couronne. Elle porte pour ornement un crucifix entouré de la Vierge et de Saint-Jean., un médaillon de saint Charles Borromée entouré de saint Pierre et de saint Maclou, des armes de France et une Assomption. Elle pèse près de 3 tonnes.
La seconde se nomme Adrienne. Elle aussi a été fondue par Capelain. Elle porte les armes de France, saint Maclou, les têtes de saint Pierre et saint Paul et une image de la Vierge, ainsi que d'autres ornements.
La troisième a du être refondue en 1843. Elle se nomme Adèle.
Le mode de suspension a été changé en 1871 par le fondeur Bollée du Mans, pour éviter l'ébranlement de la maçonnerie.

 
Confréries

Confrérie du saint sacrement, pour toutes personnes
Confrérie de Notre Dame de Liesse.
Confrérie de la Nativité de la sainte Vierge et de saint Jean-Baptiste.
Confrérie de Notre Dame de Pitié.
Confrérie de saint Clair
.
Confrérie de saint Alexis, saint Gilles, saint Leu.
Confrérie de saint Simon, saint Jude, pour les maçons.
Confrérie de sainte Clotilde.
Confrérie de saint Louis de Marseille, pour les porteurs de charbon.
Confrérie du Divin Cœur pour toutes personnes.

 
Localisation


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Bibliographie
Voyages Liturgiques de France, Moleon (Sieur de), 1718, p. 414-415
Histoire de la ville de Rouen, F. Farin, 3e ed., 1738, t. IV, p. 459-483.
Abrégé de l'histoire ... de la ville de Rouen, Lecoq de Villeray, 1759, p. 335-337.
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Tableau de Rouen,
Machuel, 1777, p. 111-115.
Voyages dans l'ancienne France
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© Copyright Jacques Tanguy, février 2013